Texte extrait de « Les lignes du monde »

...le plaisir esthétique lié aux formes et aux couleurs s'accompagne d'un sens des forces en jeu dans l'univers. Et l'être humain a de cela un besoin profond. Il a autant besoin de communication avec l'univers que de communication sociale.
Et c'est sans doute le fondement le plus profond de l'art: le mouvement (d'un animal), le vol (d'une bande d'oiseaux migrateurs), la courbe (d'une vague), le jaillissement (d'un éclair) – ces évènements qui éveillent le désir de faire quelque chose de semblable, d'être, pour ainsi dire, un peu à la hauteur du cosmos.
Sans cette communication, sans ce contact, sans cette sensation, il pourrait y avoir, bien sûr «art» et «culture». Mais, passant par des artefacts de plus en plus artificiels, cet «art», cette «culture» aboutissent fatalement à la fantaisie la plus creuse quand ce n'est pas à la complaisance dans la laideur et l'insignifiance.
Tous les grands artistes ont toujours su cela. C'est pour cela que Rimbaud dit n'avoir de goût que pour «la terre et les pierres», que Saint-JohnPerse évoquela mer «exemplaire du plus grand texte», et qu'Artaud appelle de ses vœux «une idée organique de la culture». C'est dans ce champ de prémisse, à la fois radical et rayonnant, que, de toute évidence, se situe l'art de Roger Vilder.