ROGER VILDER : LA GEOMETRIE DE L'INSTINCT VITAL

A partir d'une morphologie et d'une syntaxe constructiviste classiques, la vision de Roger Vilder se développe sans complexes et sans contraintes au gré d'une sensualité toute orientale. Le cinétisme de Vilder est loin d'être une fin en soi. C'est à travers les termes temporaires (et temporalisés) du langage géométrique qu'il a entrepris de crier son amour de la vie et de nous le communiquer. « Je suis un dieu sans pouvoirs car je n'accepte pas mes propres faiblesses », nous confie-t-il dans un texte écrit à Montréal en février 1970. Cet aveu est tout un programme.
Ce fils du soleil et de la Méditerranée est allé vivre l'expérience du Grand Nord et de ses immenses espaces. Sans exagérer le côté sentimental de toute référence biographique, il y a autre chose que du simple hasard dans cette migration personnelle à travers l'espace-temps de la géographie et de l'histoire. Si Vilder a recours à la forme géométrique, c'est qu'il entend aller au fond des choses, exprimer l'essentiel de la vie à travers sa constante métamorphose. Ses reliefs animés qui figurent l'incessant croisement de deux lignes perpendiculaires expriment à la fois un Mondrian et tous les Mondrian du monde. La vie, c'est la quadrature du cercle et Vilder sait bien que le computer design a résolu le problème. Sur le plan formel, et uniquement sur celui-ci bien sûr, car le secret de la vie, qui est aussi celui de toutes les baguettes magiques, est éternel retour, éternel départ, éternel recommencement ab ovo.
Et cet éternel recommencement de la vie n'est pas un miracle mais une raison de vivre. Dans un scénario de film récent (octobre 1972), Roger Vilder imagine de nous décrire l'amplitude extrême d'une métamorphose élémentaire.Un carré parfait, assemblage de points, devient oiseau, vol d'oiseaux, nuage en formation serrée, poisson, banc de poissons, pour retourner enfin au carré initial. L'esprit de géométrie s'identifie ici à l'instinct profond qui appréhende les manifestations élémentaires de l'existence.

Ma rencontre avec Vilder a été simple, rapide et définitive. Je crois à la simplicité tenace de ce sorcier sans miracles, à son amour fou de la vie, à son réalisme mystique, à tout ce qu'il porte en lui d'instinct et qu'il exprime spontanément : ces gens là sont rares, qui ne s'embarrassent en aucune façon des contingences formelles du déjà fait ou du déjà vu, et qui s'obstinent à jeter un regard toujours neuf sur le monde.